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Pourquoi un (ou des) caisson (s) de grave ?

Les justifications physiques

Pour la plupart d'entre nous une enceinte acoustique digne de ce nom se doit d'être capable de reproduire la totalité du spectre audible, soit de 20 Hz à 20 kHz, dans les meilleures conditions possibles, tant en termes de qualité que de puissance et de couverture sonores, et c'est bien là la définition d'une bonne enceinte, mais... Car il y a toujours un mais : une impossibilité physique ou technique, une limitation quelconque.

Je n'aborderai pas ici le problème par­ticulier des installations domestiques, qui ne sont pas l'objet de cet article, et dont les paramètres sont par trop éloi­gnés de ceux des installations de ren­forcement sonore professionnelles ou semi-professionnelles. Cependant, c'est grâce, ou à cause, de la qualité sans cesse croissante de ces installa­tions privées que le sonorisateur d'un concert ou l'exploitant d'une salle de spectacle est censé offrir à ses auditeurs les mêmes qualités, voire même supé­rieures, non plus dans un salon de quelques mètres carrés pour trois ou quatre personnes, mais dans des espaces beaucoup plus vastes et pour des audiences nettement plus impor­tantes.

CHAMP DIRECT ET CHAMP RÉVERBÉRÉ

Prenons une enceinte de studio, pour du contrôle de proximité, généralement placée sur ou près de la console de mixage. Vous êtes assis en face de la console sensiblement dans l'axe médian des deux enceintes à environ 1 m de chaque enceinte. Une paire d'enceintes deux voies équipées de 20 cm fera par­faitement l'affaire, si elles sont de qua­lité évidemment. Elles pourront même restituer des fréquences si basses qu'en fermant les yeux l'ambiance du concert sera parfaitement rendue. Maintenant éloignons-nous de ces deux enceintes, le résultat a changé, le son est moins précis, le grave plus flou, les attaques plus molles et le niveau plus faible, pour­quoi ? Le rapport de l'énergie directe sur l'énergie réverbérée a changé, en s'éloignant des enceintes, le niveau direct diminue mais le niveau réverbéré, géné­ré par les réflexions des murs de la salle, reste constant. Le niveau global a donc diminué et l'addition du grave provenant de chacune des enceintes n'est plus optimum, et puis vous avez quitté l'axe des enceintes et les réflexions sont plus sensibles ; en deux mots, la courbe de réponse a changé.

Pourquoi est- ce que lorsque je mesure une enceinte dans le grave je viens positionner mon micro au plus près de celle-ci ? Tout simplement pour que mon micro se trouve à une place ou le rapport direct/réver­béré est maximum, c'est exacte­ment comme si je mesurais cette enceinte dans une chambre sour­de. c'est-à-dire exempte de réflexions. Mais pourquoi faire ça? Là encore la réponse est très simple: Les réflexions des parois viennent se superposer au son direct dans le champ diffus, et ceci avec une relation de phase quelconque, par­fois en phase, parfois hors phase. Il y a donc augmentation ou dimi­nution, voire annulation, de l'éner­gie et ceci en fonction du temps mis par les réflexions pour revenir sur le micro. Ces temps étant variables, les longueurs d'onde l'étant aussi, la courbe résultante ne sera plus plate, mais avec des creux et des bosses donnant un résultat éloi­gné de ce qui "sort" de l'enceinte. Mais, dans le cas d'un plein air. le problème ne se pose plus me direz- vous. C'est exact, pas de parois, pas de réflexions, mais connaissez- vous beaucoup de manifestations en plein air sonorisées avec une seule enceinte? Mise à part la plage de vos vacances préférées sonorisée par le porte-voix du maître nageur, je n'en vois pas beaucoup. Et c'est alors que le même pro­blème revient au grand galop. Ce ne sont plus les réflexions des parois qui gênent mais l'addition des énergies des différentes enceintes utilisées, au moms deux, qui viennent perturber votre confort d'écoute.

Pourquoi la régie du concert se trouve-t-elle dans l'axe de la scène ? Parce que les enceintes, ou les groupes d'en­ceintes. que ce soient des line array ou bien des systèmes conven­tionnels. sont placées symétri­quement de part et d'autre de la scène et que l'addition des éner­gies unitaires est maximum dans l'axe, axe sur lequel la distance d'écoute est la même à gauche et à droite, donc les signaux sont en phase et tout va bien. Là encore, déplacez-vous sur le côté, vous allez ressentir un changement dans le son et particulièrement dans le grave qui va diminuer et réaug­menter progressivement en fonc­tion des différences de chemin entre vos oreilles et les enceintes, selon qu'elles sont placées à gauche ou à droite de la scène. Ces phénomènes sont des phé­nomènes interférentiels qui existent dans n'importe quel environne­ment. En intérieur avec une seule source, les interférences sont dues aux réflexions. En extérieur avec plusieurs sources, les interférences sont dues aux sources elles-mêmes. Alors, en intérieur avec plusieurs sources, je vous laisse imaginer le problème, bien que parfois il puisse aussi être une solution. Je vous en reparlerai plus tard.

DE L'UTILITÉ DE SOURCES SPÉCIALISÉES

Voilà donc déjà quelques raisons pour désolidariser la ou les sources de grave des enceintes principales. Mais il y en a encore d'autres. Revenons auprès de notre conso­le de mixage surmontée de sa paire de petits moniteurs. Le son est excellent, mais il vous passe par la tête de faire une soirée dance en écoutant carrément plus fort, genre ambiance disco. Et ça devient l'horreur totale, votre home studio est transformé en générateur de distorsion à chaque coup de grosse caisse, la guitare basse "sature" et il n'y a plus aucu­ne dynamique disponible. Vous avez atteint et même dépassé la limite de fonctionnement du sys­tème.

 

On pourra peut-être remédier au problème en utilisant un ampli plus puissant, mais gare aux mem­branes qui fument, ça sent mauvais et ça coûte des sous. Quelle est la solution ? Passer à des enceintes plus puissantes ou bien ajouter un caisson de basse en gardant vos

deux moniteurs préférés. Mais quid de la meilleure formule ? Pour le même budget que celui de départ, vous allez pouvoir vous offrir une paire d'enceintes de "sono" dotées d'un rendement plus élevé. Allons- y, on remplace les deux petits moni­teurs de qualité à l'efficacité rédui­te à environ 90 dB @ 1 W/1 m par deux enceintes toujours équipées d'un HP de 20 cm mais avec 93 dB d'efficacité. Super. 3 dB de plus, juste ce qui manquait. Branchez, montez le volume, et... déception, ça le fait pas. Les 3 dB de plus sont bien là. mais pas dans le grave, il y a même beaucoup moins de grave qu'avant et le son a perdu toute sa rondeur.

 

Explication : Il n'y a pas de miracle. Lavoisier(1) a dit: "Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme'. Dans le cas qui nous intéresse, un HP de 20 cm reste un HP de 20 cm et si les 3 dB d'efficacité supplémentai­re sont bien au rendez-vous, c'est au détriment de la réponse dans le grave. L’énergie gagnée dans le bas- médium a été perdue dans le grave. Pour plus de clarté, je vous ai pré­paré une simulation de quatre HP de 20 cm (figure 1), destinés à des applications différentes. La courbe verte correspond au HP équipant votre moniteur de proxi­mité préféré, coupure basse aux alentours de 60 Hz. mais efficaci­té limitée à 90 dB. La courbe jaune correspond à votre nouvelle encein­te de sono, efficacité de 93 dB mais coupure basse à 90 Hz. La courbe bleue correspond à un excellent HP destiné à une encein­te Hi-Fi. avec une efficacité rédui­te à 86 dB. La courbe rouge est celle d'un HP spécialisé dans le médium.

 

Ces courbes correspondent toutes à une charge bass-reflex. type de charge le plus utilisé actuellement. Que faire pour avoir le beurre et l'argent du beurre ? Demandez donc à la fermière de vous offrir ce magnifique caisson de basse qui vous fait tant envie et qui saura satisfaire vos désirs les plus fous... Mais ne vous laissez pas tenter par l'acquisition d'un caisson équi­pé d'un HP de même taille que celui de vos enceintes principales, la surface de radiation étant alors divisée par deux par rapport à celle de vos deux enceintes. A moins de choisir un HP à très longue élongation, vous risquez encore d'être déçu, le remède étant pire que le mal. Ce qui est vrai pour des HP de 20 cm l'est aussi pour des tailles de membranes supérieures, avec des dB en plus. Donc, hormis les problèmes de pla­cement et d'interférence, on peut décider d'utiliser un caisson de basse pour deux raisons : soit augmenter la capacité en puissance du systè­me en conservant des enceintes principales à large bande, dans ce cas la puissance totale est répartie entre les enceintes principales qui devien­nent ce qu'on appelle communé­ment des satellites, et le caisson de basses ; soit pour améliorer la réponse dans le grave d'enceintes qui en manquent. Les raisons du choix ne sont pas les mêmes et peut-être que les caissons ne le seront pas non plus. Explication (figure 2) Dans ce cas de figure, pas d'amélioration pour la réponse dans le grave, mais gain de puissance acoustique. La puissance totale étant répartie maintenant sur deux HP au lieu d’un, le résultat est le même que si on avait doublé la puissance électrique de l’enceinte. On a donc gagné 3 dB de puissance en ajoutant ce caisson de grave. Ceci est parfaitement exact en bruit rose, mais un peu moins vrai en réalité, tout dépend du signal musical et de sa répartition de niveau en fonction de la fréquence.. Un opus de Vivaldi n’est pas comparable à un morceau de reggae jamaïcain. Si l’utilisation d’un renfort de grave n’est pas nécessaire pour du violon, en revanche, il en faudra certainement plusieurs pour que la voix du chanteur puisse se faire entendre au dessus d’une grosse basse bien lourde.

 

J'en arrive donc au deuxième cas de figure : vous voulez à la fois du niveau et du grave. Deux solutions. La première: utiliser de "grosses" enceintes seules, la deuxième: utiliser des enceintes plus petites mais à haut rendement, comme celles que vous venez d'acheter, donc avec un grave tronqué et y ajouter une pincée, ou une poignée si besoin, de renfort de grave. Impossible maintenant d'utiliser un "petit" caisson de grave, il vous en faut un gros.

 

Explication (figure 3) : Pour atteindre le même niveau que l'enceinte satellite il faut maintenant doubler votre petit caisson de grave, un seul à pleine puissance étant insuf­fisant (- 6 dB). Le fait de doubler les caissons. en conservant la même puissance électrique unitaire, per­met de regagner les 6 dB man­quants. J'en vois qui se grattent la tête... Si je double les caissons, je double la puissance, donc je gagne seulement 3 dB. Il déraille le vieux... C'est oublier un phénomène qui nous est bien utile, le couplage. Si je double la puissance sur un seul caisson, je gagne effectivement 3 dB. à condition de ne pas le faire fumer ni de le casser mécanique­ment. Mais si je double les cais­sons. ils se couplent acoustiquement et ne forment plus qu'une seule source résultante dont le ren­dement est doublé, donc l'effica­cité augmentée de 3 dB. Magique ? Non. rien de magique dans ce bas monde, simplement un phénomène physique connu. Si les deux sources identiques sont distantes de moins d'une demi-longueur d'onde, elles fusionnent et équivalent â une seule source de surface totale double. Notre petit caisson équipé d'un 20 cm est en effet de taille infé­rieure à la plus petite longueur d'on­de générée. Si le raccord est à 150 Hz, la longueur d'onde cor­respondante est 340 (m/s) / 150 (Hz) = 2,27 m. Nos deux petits cais­sons n'en font plus qu'un seul. Mais il vous faut le double d'am­plification, donc le double du bud­get ampli, et puis deux caissons de 20 cm coûtent certainement plus cher qu'un seul de 30 cm. D'un point de vue budgétaire, il est alors plus intéressant d'acheter un cais­son de grave plus gros, qui aura le même rendement que les deux petits couplés et qui pourra sup­porter le double de puissance.

ALORS?

En conclusion, les raisons d'utili­ser des enceintes spécialisées dans le grave sont multiples : meilleure capacité à descendre dans le grave, puissance acous­tique générée supérieure, moins de distorsions, choix du placement des caissons indépendant des sources principales, etc. Retrouvons-nous le mois prochain pour entrer plus précisément dans les détails techniques qui vous per­mettront de choisir en connais­sance de cause les caissons à uti­liser et la façon de les utiliser.

Acoustiquement vôtre.

Alain Pouillon-Guibert Ingénieur-conseil diplômé ESME. Consultant en acoustique et élec­troacoustique.

1) Antoine Laurent de Lavoisier. 1743-1794, savant français, père de la chimie moderne par opposi­tion à l'alchimie de nos ancêtres.

Caisson T221 (2 x 21" à longue élongation) de forte puissance Adamson, conçu pour le renforcement sonore dans les systèmes de diffusion pro de grande audience.

Sub Genelec conçu pour le renfort dans le grave des moniteurs de la marque (studio).

Les systèmes triphoniques en sonorisation (de proxi­mité) répondent au besoin d'une efficacité accrue des satellites qui ne se fait qu'au détriment de la réponse dans le grave. D'où l'adjonction d'un caisson (sub) doté d'une surface de membrane plus conséquente (et éventuelle­ment longue excursion) uni­quement affecté aux fré­quences graves.

FIGURE 01 / Courbes de réponse en fréquence et efficacité de quatre haut- parleurs de 20 cm (8 pouces) pour différentes applications. Vert: moni­teur de proximité, jaune: enceinte de sono, bleue: enceinte Hi-Fi, rouge: HP médium.

FIGURE 2 / Comparaison des niveaux SPL max entre une enceinte large bande (rouge) et la même avec l'apport d'un caisson de grave de taille similaire (bleu). Les courbes blanches représentent les contributions res­pectives du caisson et de son satellite.

FIGURE 3 / Comparaison entre une enceinte sono (jaune), l'apport d'un caisson de grave de taille similaire (bleu) et de deux caissons de grave (blanc).

Partie 2 sur les HP et caissons de basse

HP et caisson de grave Part 1:

 

Un excellent article sur les caissons de basse, en 6 parties, paru dans le magazine sono, N°323 à 328, par Alain Pouillon-Guibert, Monsieur APG himself.